« The Power of Ritual in Prehistory » (2018) de l’anthropologue et universitaire Brian Hayden est le premier livre depuis près d’un siècle à traiter des sociétés secrètes traditionnelles d’un point de vue ethnographique et archéologique.
L’auteur y décrit leurs fonctionnements, leurs motivations et leurs méthodes. La quatrième de couverture affirme que, loin de travailler pour le bien commun de leurs communautés, les sociétés secrètes primitives se révélaient être des organisations prédatrices opérant pour le seul profit de leurs membres.
Dès les années 1840, Paul Kane employait le terme « société secrète » pour désigner des organisations rituelles aux pratiques initiatiques. De grands anthropologues tels que Franz Boas et Philip Drucker ont beaucoup écrit sur ce type de structures hiérarchiques où les membres prêtaient généralement le serment du secret sous peine de mort. Ces sociétés secrètes primitives s’établissaient dans les sociétés tribales et ont parfois persisté jusque dans les sociétés industrielles modernes. Comme nous allons le voir, le parallèle avec les sociétés secrètes initiatiques contemporaines de type maçonniques est flagrant sur de nombreux points.
Les ethnographes insistent fortement sur les avantages pratiques de l’appartenance à ces sociétés secrètes, en particulier l’obtention de pouvoir sur d’autres personnes et la domination de la société via l’utilisation de la terreur, de la violence et des pratiques de magie noire. Raison pour laquelle elles ont même parfois été qualifiées « d’organisations terroristes ».
Ces organisations secrètes avaient une relation étroite avec les classes dirigeantes de la communauté. Certaines d’entre-elles n’admettaient à l’initiation que des « chefs » dont le pouvoir évoluait en fonction de leur ascension dans la société secrète. Des ethnographies font ressortir que si théoriquement ces sociétés secrètes pouvaient être ouvertes à tous, seules les familles les plus riches et les plus influentes en devenaient membres ou accédaient aux grades supérieurs. Par l’utilisation de vieilles techniques psycho-spirituelles, comme les rituels extatiques, ces membres forgeaient entre eux de puissants liens et solidifiaient ainsi leur pouvoir séculier.
Brian Hayden affirme que ces sociétés secrètes élitistes basées sur des initiations extatiques ont marqué un tournant décisif dans l’évolution des religions en provoquant une division entre culte populaire et culte élitiste. Alors qu’il existait des sociétés secrètes de moindre importance qui admettaient un large éventail de membres, les sociétés secrètes les plus puissantes étaient très exclusives : elles filtraient leurs membres selon les critères de richesse, d’ascendance et de position socio-politique.
Afin de justifier l’usage de la terreur et de la violence, ces loges primitives promulguaient une certaine idéologie. Notamment le culte des ancêtres qui avaient acquis des pouvoirs surnaturels pouvant être transmis à leurs descendants. Pouvoirs surnaturels pouvant également être directement acquis en faisant appel aux esprits. Ces pouvoirs étaient accessibles lors des rituels cérémoniels d’hiver, via les danses, le port de masques, les chants, les accessoires sacrés, le tout entraînant la possession des membres par les esprits ancestraux ; qui seront ensuite exorcisés par d’autres membres.
Ces sociétés secrètes prétendaient détenir la connaissance pour contrôler le terrible pouvoir des esprits. L’accès aux compétences et au succès était censé dépendre d’une aide surnaturelle, qui a son tour dépendait de la richesse matérielle. Inversement, la richesse était un signe de faveur surnaturelle. Grâce à cela, les chefs puissants pouvaient établir leurs propres règles en ignorant les pratiques conventionnelles.
Un certain nombre de sociétés secrètes, en particulier les Hamatsa, cannibales, étaient exclusivement réservés aux chefs riches ou aux élites. Les fêtes initiatiques constituaient un point essentiel de la carrière d’un homme. Les coûts d’initiation pouvaient être énormes. Plus on progressait dans les positions hiérarchiques des sociétés secrètes, plus les initiations devenaient coûteuses et exclusives.
Il était très courant que des enfants aussi jeunes que quatre à six ans, parfois même encore plus jeunes, deviennent membres de certaines sociétés secrètes primitives. Surtout lorsque leurs parents étaient riches et de haut rang.
Ces sociétés secrètes fondaient leur légitimité sur leurs capacités à induire chez les initiés des expériences extatiques sacrées. De telles expériences transcendantes entrainaient des connexions surnaturelles et étaient souvent associées à des animaux de pouvoir et à des quêtes de vision.
Il ne fait guère de doute que certaines des initiations créaient des états de conscience altérés chez les individus. Des études comparatives ont identifié un large éventail de techniques bien connues pour induire les expériences extatiques sacrées (c’est à dire de profonds états dissociatifs). On y retrouve les sévères épreuves physiques, le jeûne, la privation sensorielle, la danse et le chant, l’utilisation de psychotropes ou encore les fortes perturbations émotionnelles notamment par des mises en scène de mise à mort ou la vision de cadavres. Le sacrifice humain a probablement été ajouté aux pratiques rituelles comme moyen supplémentaire de perturber et désorienter le mental des participants. On trouve également dans ces sociétés secrètes la notion de violation volontaire des tabous comme la consommation de chair humaine. Toutes ces épreuves physiques et émotionnelles devaient également assurer la loyauté et le maintien du secret envers ces organisations.
Ces épreuves initiatiques poussant à l’extrême les décharges d’endorphines étaient si sévères que certains candidats n’en sortaient pas vivants. De tels états modifiés de conscience, dans une expérience de mort imminente, entraînaient des états de possession et des pouvoirs surnaturels, liant ainsi plus fortement les initiés aux dirigeants de la société secrète.
On disait que ceux qui subissaient l’initiation mourraient et voyageaient vers le royaume des esprits d’où ils revenaient sous une nouvelle forme. La mort et la résurrection constituaient en effet l’un des leitmotivs de la plupart de ces sociétés secrètes. Typiquement, l’esprit possesseur emportait l’initié, le tuait, puis le ramenait pour sa renaissance. L’induction d’expériences extatiques lors de rituels traumatiques visait à ouvrir les portes vers d’autres dimensions et qui dit expérience de mort imminente, dit expérience de renaissance.
Ceux qui n’acceptaient pas les revendications ou les diktats de la société secrète étaient ciblés et souvent éliminés d’une manière ou d’une autre. Certains groupes employaient des espions pour identifier ces individus réfractaires. Il y avait un large éventail de tactiques utilisées pour intimider, persuader ou contraindre les gens à se conformer aux revendications idéologiques, aux règles et aux actions des sociétés secrètes, mais la principale était la terreur.
L’anthropologue & archéologue Philip Drucker a déclaré catégoriquement que la fonction de certaines sociétés secrètes était de dominer la société en recourant à la violence ou à la magie noire. C’est la raison pour laquelle certains chercheurs les ont qualifié d’organisations terroristes.
Pour conclure, rassurons-nous, les sociétés secrètes modernes n’ont plus rien à voir avec ces sauvageries superstitieuses d’un autre âge ; ce sont aujourd’hui de paisibles et discrets groupes à caractère philosophiques et philanthropiques…
qu’on se le dise !
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